mardi 21 mai 2013

Extrait 1/2 : Iris Empoisonnée



Aujourd'hui je vous propose la première partie du chapitre 1 de la nouvelle trilogie de l'auteure Cindy Mezni: Iris Empoisonnée. N'hésitez pas à laisser votre ressentie en commentaire. Je suis sûre que vous serez conquis par ces premières lignes.

Merci de ne pas recopier ce texte

Je vous souhaite une très bonne lecture. :)



 Iris Empoisonnée
 © Iris Empoisonnée, Tome 1, Cindy Mezni, 2013
Tous droits réservés 
Chapitre 1

J'avais compris que quelque chose n'allait pas avant même que Memphis rentre à la maison. Il ne rentrait jamais après la tombée de la nuit. Trop dangereux, disait-il. Et même s'il ne m'aurait pas confié ça, son arrivée en toute précipitation aurait suffi à mettre tous mes sens en alerte.
— Memphis ? Qu'est-ce que...?
Il se précipita sur moi et plaqua sa main sur ma bouche pour me faire taire. Surprise, je lâchai mon livre, l'un des seuls que nous avions encore, et dans lequel j'avais vainement tenté de me plonger en guettant son retour avec angoisse.
— Chut, m'intima-t-il d'une voix dure d'où perçait de l'anxiété.
Il me relâcha. Il alla éteindre la seule bougie illuminant la pièce, l'électricité ne fonctionnant plus depuis des années dans le quartier pauvre où nous habitions.
— Aide-moi à mettre du désordre, comme si nous avions vite fui d'ici.
— Quoi ? Mais pourquoi ? Memphis, qu'est-ce qui...
— Fais-le, Irisya ! m'interrompit-il avec sècheresse.
Reléguant mes interrogations à plus tard, je fis comme Maman et lui me l'avaient appris en cas de départ d'urgence. Je pris un sac et me dépêchai de mettre à l'intérieur le strict nécessaire pour survivre, veillant à mettre autant de remue-ménage possible sur mon passage. Du coin de l'œil, je vis Memphis surveiller par la fenêtre ce qui se passait dans la rue.
— Tu as pris de l'eau ? De la nourriture ? me demanda-t-il sans se retourner.
— Oui.
— Alors va dans le double fond de la penderie.
Je fus soudain tétanisée. Les souvenirs de la pire journée de ma vie refaisaient surface à la mention de cette cachette. La dernière fois que nous étions entrés tous deux là-dedans, nous y étions restés un jour, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus personne dans l'appartement. C'était le jour où notre mère était morte.
— Irisya !
La crainte à l'idée de perdre mon frère, le seul être qu'il me restait en ce bas monde, me prit aux tripes. Je balbutiai enfin :
— Et toi ?
Sans un mot, il fonça droit sur moi. Il m'empoigna par le bras et me tira avec lui jusqu'à la porte du placard. Me lâchant, il l'ouvrit et y entra pour ôter le panneau en bois qui dissimulait l'ouverture donnant sur le double-fond. Il en ressortit et essaya de me pousser à l'intérieur.
— Entre là-dedans, Irisya !
Je m'agrippai à ses vêtements, décidée à ne pas entrer là-dedans sans lui. La pénombre de la pièce était trop dense pour que je la voie mais je sentis contre moi le métal froid de l'arme à feu qu'il tenait dans une de ses mains. Mes yeux s'écarquillèrent et mon cœur s'emballa. Il ne la braquait pas sur moi, bien sûr, mais s'il l'avait sortie de sa chaussure – là où il la dissimulait toujours – c'était que le danger n'était pas loin.
— Un pistolet ?
— Je t'expliquerai tout, plus tard, me promit-il en posant une main rassurante sur mon épaule. Mais là, tout de suite, tu dois te cacher. Et quoiqu'il arrive, ne ressors pas de là-dedans avant que je vienne te chercher. C'est clair ?
— Viens avec moi, le suppliai-je, mes intonations chevrotantes, sentant que la situation était plus que grave.
— Je vais les guetter et dès que je les aperçois, je te rejoins.
La panique me gagna à l'entente de ce « ils » et à l'idée que Memphis soit surpris par eux et que je le perde.
Les évènements se déroulaient comme le jour de la mort de Maman. Elle aussi avait guetté le danger par la fenêtre, comme elle le faisait quotidiennement. Et le danger, elle l'avait aperçu, cette fois-là. Pour épargner nos vies, elle avait donné la sienne, sachant que les Envoyés, qui étaient venus pour mon frère et moi, auraient fouillé l'appartement jusqu'à finalement trouver quelqu'un. J'étais consciente qu'aujourd'hui, Memphis comptait se sacrifier, tout comme elle, pour me sauver.
— Viens avec moi, je t'en supplie, réitérai-je, au bord des larmes.
Memphis ne répondit rien ni n'esquissa le moindre geste.
— Ils croiront qu'on a fui tous les deux, poursuivis-je. Je t'en prie, ne fais pas ça. Je ne veux pas te perdre aussi. Sans toi, je suis perdue.
Sans lui, je finirais sans doute morte dans les deux jours, car j'avais passé des années enfermée ici pour ma sécurité et, à présent, le monde dangereux et hostile au-dehors m'était totalement étranger. Et sans lui, je ne voulais pas vivre, de toute manière. 
Memphis soupira lourdement avant de se dépêcher d'aller ouvrir la porte d'entrée pour ajouter une preuve attestant de notre « départ précipité ». Il revint ensuite vers moi et m'incita à entrer dans le placard. Je passai par l'ouverture du double fond, le sac contenant nos provisions en main. Il m'imita. L'espace était si exigu et mon frère prenait tant de place avec sa carrure que nous nous retrouvâmes tassés inconfortablement l'un contre l'autre à l'intérieur. Malgré les désagréments de notre présente situation, j'étais prête à passer des jours ainsi, tant qu'il était avec moi, sain et sauf. Il se chargea de remettre en place le panneau grâce au système fait de clous et ficelle qu'il avait mis au point, longtemps auparavant, afin de refermer la cache de l'intérieur. Plongé dans le noir le plus total, il prit le sac que je tenais et le posa sur ses genoux.
— Ça va ? murmura-t-il à mon intention.
Je ne pouvais pas le voir dans l'obscurité de l'endroit mais je devinais l'air concerné qu'il arborait à chaque fois qu'il se faisait du souci pour moi.
— Oui. Et toi ? chuchotai-je en retour.
— Tu es en sécurité, ici, avec moi. C'est tout ce qu'il me faut.
Je ne répondis rien et me contentai de m'emparer d'une de ses mains pour lui témoigner ma gratitude. Après quelques secondes, il serra la mienne en retour. Je posai ma tête contre son épaule et je le sentis passer avec difficulté un bras derrière moi pour m'éteindre. Rassurée par sa présence à mes côtés, je me laissai bercer par son odeur si familière.
Les heures d'insomnie passées à attendre son retour eurent raison de moi. Je repris conscience en sentant une douleur lancinante dans mon dos. À juger par la raideur dans mes membres, j'avais dû dormir une heure ou deux. J'oubliai bien vite cela lorsque je perçus des voix et provenant de l'autre côté de la cloison. Les personnes à la recherche de mon frère étaient là. Et vu le bruit qu'ils faisaient, ils fouillaient l'appartement en quête d'informations. Je n'osais imaginer dans quelle affaire risquée Memphis était empêtré pour qu'on veuille lui mettre la main dessus à tout prix.
— On va pas revoir ce moins que rien avant un moment, moi je te le dis, entendis-je l'un d'eux prononcer.
Sa voix caverneuse et emplie de dégoût pour mon frère me fit frissonner de peur. Les doigts de Memphis se resserrèrent sur ma main pour me rassurer. Les minutes s'égrenèrent lentement et seuls le grincement du vieux parquet ou le son des meubles et objets jetés par terre indiquaient que ces hommes étaient toujours chez nous.
Tout d'un coup, le son de la violente ouverture de la porte de la penderie nous prit par surprise. Je sursautai et retins un cri de justesse. L'adrénaline monta en moi alors que mon cœur battait la chamade dans ma cage thoracique. À quelques centimètres de nous seulement, Memphis et moi entendîmes un des hommes fouiller, cherchant un indice sur l'endroit où nous avions fui. S'il y regardait de trop près, il finirait par prendre conscience de l'existence du double fond. Pourvu qu'il passe à côté...
— Tirons-nous d'ici, décréta finalement un des hommes et le remue-ménage dans le placard cessa. On finira par l'attraper, tôt ou tard.
Ils s'en allèrent. Le silence lourd et pesant s'installa. Par précaution, Memphis attendit un bon moment avant de sortir pour vérifier que la voie était libre. Quelques longues minutes plus tard, il m'annonça enfin que je pouvais le rejoindre et je m'exécutai. Un coup d'œil en direction de la fenêtre m'indiqua que le soleil commençait tout juste son ascension dans le ciel. Nous étions restés cachés bien plus longtemps que je ne l'avais pensé.
— Viens m'aider à bloquer l'entrée. Avec le raffut qu'ils ont fait, qui sait les voleurs qui pourraient rappliquer pour voir s'il reste quelque chose à prendre.
Nous mîmes la commode devant la porte, comme nous le faisions chaque jour avant d'aller nous coucher. J'allai ensuite remettre la table à manger en place puis relever les chaises. Me souvenant des provisions que j'avais faites, je retournai chercher le sac les contenant dans le double fond afin de les remettre dans les placards. Je sortis juste un peu de pain pour Memphis et moi, me doutant qu'il n'avait rien mangé pendant qu'il était à l'extérieur, comme à son habitude.
— Tiens, lui dis-je en lui tendant un morceau de pain qui n'était plus très frais mais qui lui remplirait un peu l'estomac.
Il sortit sa lampe de poche à piles, l'alluma pour plus de visibilité et s'assit à son tour à la table. Le faisceau de lumière éclaira alors ses traits. Mon sang se glaça littéralement dans mes veines face à cette vue.
— Ton visage ! m'exclamai-je, choquée. Qu'est-ce qu'on t'a fait ?
M'exhortant à agir, j'allai chercher un linge et, à défaut d'avoir du désinfectant, je pris une bouteille d'eau potable dans notre réserve pour l'humidifier. Je me dirigeai vers lui avant de m'emparer de sa lampe pour examiner ses blessures avec attention. Du sang séché maculait ses traits, l'un de ses œils était tuméfié et il avait de nombreuses coupures. Avec maladresse, j'effleurai l'une d'elles avec le linge, ce qui fit grogner de douleur mon frère.
— Pardon !
— Ne t'excuse pas pour ce qui n'est pas de ta faute, objecta-t-il d'un ton ferme.
Je repris le nettoyage de ses plaies avec soin, essayant d'épargner le maximum de souffrance à Memphis.
— Tu ne m'as rien expliqué. Qu'est-ce qui s'est passé ? C'est les hommes qui sont venus ici qui t'ont fait ça, n'est-ce pas ?
Il laissa planer un long silence avant de répondre.
— Oui.
— Et ?
J'étais décidée à savoir de quoi il en retournait. J'avais toujours fermé les yeux sur les agissements de mon frère pour pourvoir à notre survie. Mais pas aujourd'hui, alors qu'il rentrait dans cet état et que sa vie – et la mienne – était plus en danger que jamais.
— Qu'est-ce qui s'est passé, Memphis ? insistai-je. À quoi es-tu mêlé ? Pourquoi est-ce que...
— Ça suffit, Irisya !
Je le dévisageai, bouche bée, et un peu apeurée aussi. Jamais je ne l'avais senti tant en colère et agacé par moi. Tout comme je n'avais jamais vu son regard sur moi si dur. 
— Je fais ce que j'ai à faire pour qu'on reste en vie. C'est tout ce que tu as à savoir.
Le ton de sa réponse évasive étant sans appel, je continuai à ôter le sang de son visage sans plus parler. Il me traitait comme une gamine. Même si cela me contrariait, je le comprenais puisque seuls les enfants ou les éclopés étaient considérés comme incapables de notre temps. Et en étant enfermée constamment dans cet appartement, j'étais un fardeau tout comme eux. 

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